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L'Université de Montréal décerne un doctorat honoris causa à Britt-Mari Barth

L'UdeM reconnaît le parcours exceptionnel d’une sommité internationale dans le domaine de la recherche et de la formation en enseignement. Britt-Mari Barth a prononcé un discours touchant lors de la Collation des grades de la Faculté des sciences de l'éducation, qui avait lieu le 22 août au Palais des congrès.

Remerciements de Britt-Mari Barth lors de la cérémonie de remise de son doctorat honoris causa

Le 22 août 2022


« Je vous remercie infiniment pour cet hommage. La surprise était immense lorsque la nouvelle m’a été annoncée. Cette reconnaissance m’a profondément touchée car elle provient des collègues qui connaissent bien mon travail. Cela m’a fait chaud au cœur ! Je tiens à y associer toutes et tous les collègues qui ont collaboré avec moi au fil des années, et notamment le groupe des conseillers pédagogiques de français, œuvrant à l’époque au sein du Ministère de l’éducation du Québec.

Mon travail a commencé avec une forte interrogation. Suédoise de naissance, Française par mariage, j’ai pris conscience, quand mes propres enfants ont commencé à fréquenter l’école en France, que beaucoup d’élèves étaient en difficulté. J’ai vu de près le découragement, la passivité… « L’impuissance apprise » (« learnt helplessness ») guettait, cette perte de confiance en soi qui fait qu’on ne cherche plus à apprendre – ou pire, on abandonne ! - l’école ayant perdu son sens…

Qu’est-ce qui fait qu’on donne sens à son expérience scolaire ? Quel est le rôle de l’Ecole pour aider tous les élèves à construire leur savoir et à y prendre goût ? L’enjeu est de taille, car quand on construit son savoir, on construit sa personne, son identité.

La manière d’apprendre devient donc aussi importante que ce qu’on apprend ! C’est la première idée que je souhaite mettre en avant.

Mais on n’apprend pas seul, on apprend grâce aux interactions avec les autres et avec les outils que notre culture – notre environnement – nous rend accessibles.

C’est la deuxième idée que je souhaite souligner, héritée de mon maître à penser, le psychologue américain Jerome Bruner. Elle se formule ainsi : « c’est la culture qui donne forme à l’esprit, par l’interaction constante de l’individu avec les membres et les outils de cette culture ».

L'enjeu pour nous, les enseignants, que ce soit à l’école ou à l’université, est donc d’offrir une culture apprenante à nos élèves, avec de bons supports pour développer une pensée réfléchie et créative.

Pour ce faire, le rôle de l’enseignant change et devient ainsi plus complexe – le voici médiateur entre les élèves et les savoirs : c’est lui qui va solliciter les « intelligences multiples », qui va mettre en place une culture qui stimule, encourage et accompagne, permettant à chacun de s’engager et de s’approprier les outils de pensée dont il a besoin pour réussir. La métaphore de la transmission est devenue celle d’une transaction (l’échange, l’interaction) qui vise la transformation - celle d’un « soi possible » [1] qui donne l’espoir, la confiance, et l’optimisme. C’est « ce soi possible » qui donne sens à leur expérience scolaire !

Quand on travaille avec les élèves de cette façon, leur enthousiasme est palpable !  Le sens du plaisir est sans doute induit par le plaisir du sens - du sens partagé. La parole devient un vecteur pour penser et apprendre ensemble. Les élèves participent à un dialogue qui fait évoluer leurs perceptions subjectives vers une compréhension approfondie, plus fine et plus objective.  

Permettez-moi de terminer avec deux citations :

Tout d’abord le verbatim d’un jeune élève : Je me souviens de lui lorsque, tout fier, il est venu vers moi et qu’il s’est exclamé : « Vous savez, Madame, si c’est comme ça que ça marche, on pourra aider les profs ! » Il avait compris ce nouveau partenariat entre professeur et élève.

Et pour finir, une citation d’Albert Einstein, toujours d’actualité :

« Apprendre n’est pas un devoir, mais plutôt une opportunité enviable de prendre conscience de la force libératoire de connaître, pour l’enrichissement de sa propre vie mais aussi pour la société à laquelle on va appartenir. »

Chers diplômés, maintenant c’est à vous de reprendre la flamme ! » Britt-Mari Barth 


[1] J. Bruner, L’Éducation, entrée dans la culture, 1996, Paris,  Retz, 2008.