Soutenance de thèse de Célia Le Normand
Résumé
Dans les premières années de leur vie, les enfants peuvent être exposés à divers évènements potentiellement traumatiques pouvant compromettre leur adaptation scolaire et sociale. Parmi ces évènements figurent par exemple le décès, le placement en milieu substitut, la séparation conjugale, l’hospitalisation ou encore la migration. Ces évènements peuvent être considérés comme potentiellement traumatiques en raison du fait qu’ils occasionnent, temporairement ou définitivement, la perte d’une figure d’attachement, aussi appelé « traumatisme de la perte » (Bowlby, 1996). Les études antérieures sur les traumas ayant mis en évidence le rôle protecteur de la figure d’attachement face à l’adversité (Rutter, 1985), nous nous sommes questionnée sur l’impact d’une telle perte sur l’adaptation scolaire et sociale des jeunes concernés, ainsi que sur le rôle que peut jouer l’école face à cet évènement.
Cette thèse cherche ainsi à mieux comprendre comment les jeunes affectés par une perte objective ou symbolique s’adaptent sur le plan scolaire et social, et comment l’environnement scolaire peut soutenir cette adaptation.
Notre étude s’appuie sur deux théories, la théorie écologique du développement humain et la théorie de l’attachement, et sollicite trois concepts, soit l’attachement, le traumatisme de la perte, et l’adaptation scolaire et sociale. Par ailleurs, le concept de deuil est utilisé pour étudier conjointement les pertes objectives et les pertes symboliques, ce qui nous amène à considérer les jeunes touchés par la perte d’une figure d’attachement comme des jeunes endeuillés. De plus, le modèle de Barrois (1988) mettant en avant les ruptures liées aux traumatismes psychiques, et le modèle de Skinner et de ses collaborateurs (2003) identifiant des stratégies d’adaptation, sont mobilisés dans l’analyse des données. Par ailleurs, le modèle Processus-Personne-Contexte-Temps (PPCT) de Bronfenbrenner et Morris (2006) permettant de refléter la nature dynamique du processus d’adaptation scolaire et sociale est utilisé.
Cette thèse présente les résultats d’une étude qualitative menée au Québec auprès de six jeunes ayant perdu, objectivement ou symboliquement, une figure d’attachement pendant l’enfance, et de cinq personnes enseignantes ayant eu à composer avec ce phénomène. D’une part, les résultats, traités à l’aide du logiciel NVivo, soulignent les expériences individuelles, scolaires et sociales de chacun des jeunes, ainsi que les stratégies d’adaptation qu’ils ont utilisées pour faire face à la perte. Les éléments ayant favorisé leur adaptation au sein du microsystème sont également identifiés. D’autre part, les résultats examinent les expériences de personnes enseignantes du primaire relativement à ce type de perte chez un élève, et soulignent les besoins particuliers de ces derniers. De même, les personnes enseignantes relèvent les défis auxquels elles ont été confrontées dans l’accompagnement des élèves concernés par la perte d’une figure d’attachement.
Finalement, nous mettons en lumière des attitudes favorables et des pratiques éducatives soutenantes issues des récits des jeunes endeuillés et des personnes enseignantes, ainsi que certaines conditions essentielles au soutien des jeunes endeuillés dans la sphère scolaire. Dans la discussion, nous suggérons certains ajouts théoriques en ce qui concerne les ruptures vécues par les jeunes endeuillés, ainsi que les stratégies d’adaptation qu’ils sollicitent, afin d’illustrer plus fidèlement le phénomène d’adaptation scolaire et sociale à la perte d’une figure d’attachement. De surcroît, nous évoquons les risques de négligence circonstancielle à considérer dans la mise en œuvre de pratiques éducatives favorables à l’adaptation scolaire et sociale des jeunes endeuillés. Cette thèse a donc pour ambition de susciter des changements tangibles dans les milieux scolaires en ce qui concerne l’accompagnement des jeunes confrontés à la perte objective ou symbolique d’une figure d’attachement.
Le caractère novateur de cette thèse réside d’une part dans le fait que les stratégies d’adaptation scolaires et sociales ont été peu documentées dans la littérature sur les deuils, et d’autre part dans la prise en considération des pertes symboliques qui ont rarement été étudiées sous l’angle du deuil, et qui au regard des résultats de cette thèse présentent des ressemblances avec les pertes objectives.
Mots-clés : adaptation scolaire et sociale, attachement, personnes enseignantes, jeunes endeuillés, pertes objectives, pertes symboliques, pratiques éducatives, stratégies d’adaptation, théorie de l’attachement, théorie de l’écologie du développement humain, traumatisme de la perte.
La soutenance aura lieu en présentiel.
Location: Université de Montréal : pavillon Marie-Victorin, local D-427