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Hommage à Maurice Tardif, un modèle d’universitaire accompli

Le 7 mai, décédait Maurice Tardif. professeur titulaire au Département d'administration et fondements de l'éducation de l’Université de Montréal. Claude Lessard, professeur émérite à la Faculté des sciences de l’éducation, rend un précieux témoignage à son collègue et ami.

Rien de banal ou d’ordinaire chez cet homme-orchestre qui a su au fil des ans exceller dans toutes les dimensions du travail universitaire ! 

« Étudiant de première génération », c’est après avoir appris son métier de prof au cégep où il a enseigné la philosophie, que Maurice est venu à l’université en quête des biens à ses yeux les plus précieux: comme étudiant, il en aimait déjà l’idée séculaire, la liberté d’expression et l’autonomie intellectuelle, comme prof, il y recherchait l’espace qui lui permettrait de déployer ses talents et son ambition intellectuelle. Parce qu’il les poursuivait avec avidité, il y a trouvé le débat constructif dans des séminaires ou des colloques où il pouvait exceller dans le rôle du discutant contradicteur; il a aussi connu et partagé le plaisir de faire de la recherche avec de bons étudiants et des collègues animés de la même curiosité que lui; il a pris le temps et a su faire preuve de la concentration requise pour écrire des livres et construire une œuvre, enfin, il a contribué à la belle camaraderie d’un centre de recherche comme le CRIFPE. Il a trouvé tout cela, en grande partie parce que c’est ce qu’il cherchait ardemment et parce qu’il a su nourrir tout cela de sa propre passion. 

Mais de cette université qu’il aimait, il ne cautionnait pas la comédie humaine qui s’y jouait inévitablement. Homme au franc parler, parfois rude dans les échanges, Maurice a paru parfois à côté des us et coutumes feutrés et hypocrites du milieu universitaire. Loin de moi l’idée de lui en tenir rigueur, l’institution ayant par moments besoin de se faire secouer.

Au fil des ans, Maurice a su devenir un universitaire complet. Il a été un excellent prof, notamment au premier cycle, toujours difficile pour un prof. de fondements de l’éducation, où il a innové dans son cours sur l’histoire des idées et des théories éducatives, rédigeant avec Clermont Gauthier un manuel toujours en usage, et utilisant les technologies de la communication et le travail en petit groupe. Aux études supérieures, ses séminaires ont toujours été très bien construits et exigeants. D’une grande générosité, il a encadré une génération de chercheurs et chercheuses qui ont reconnu en lui un véritable mentor.

Il fut aussi un excellent chercheur sur la condition enseignante, thème de recherche auquel il a fait une contribution durable. Je ne mentionne que quelques exemples. Très productif, le cv en témoigne éloquemment, Maurice a produit, seul ou avec des collègues, des livres importants, dont entre autres : traduit en portugais et en espagnol, Le travail enseignant au quotidien (2000) a trouvé un large auditoire ici et au sein de la francophonie; il a même été une lecture de base dans certaines écoles doctorales françaises en sciences de l’éducation. Au Brésil, on n’en compte plus les rééditions. Son livre sur La division du travail éducatif, écrit avec Louis Levasseur, a aussi bien circulé au sein de la francophonie. Tout comme La condition enseignante au Québec du XIXe au XXIe siècle (2013), sorte de reprise et de prolongement de La profession enseignante au Québec, 1945-1990 (1996) que nous avons rédigé ensemble. Bref, une œuvre soutenue, conceptuellement solide et empiriquement bien documentée, cohérente et intégrée.

Maurice a été aussi un excellent gestionnaire de la recherche, des équipes qu’il a animées, et de l’insertion et de l’encadrement des étudiants en recherche. Il a été la véritable locomotive intellectuelle et administrative du CRIFPE, tout au long des trois décennies de son existence. Le CRIFPE ne se serait pas développé, ni n’aurait duré aussi longtemps sans lui. Un legs inestimable et très précieux pour les sciences de l’éducation dont Maurice a assuré la légitimité intellectuelle.

L’amitié est faite de respect, d’admiration et d’affinités intellectuelles. Je suis particulièrement heureux d’avoir travaillé avec Maurice, et de le compter parmi mes amis. Je lui ai dit maintes fois : ce que j’ai pu faire de mieux, c’est avec et grâce à lui. J’aime à penser que je ne suis pas le seul de cet avis.

Au revoir, cher Mô.

Claude Lessard, professeur émérite
Département Administration et fondements de l'éducation
Faculté des sciences de l’éducation


À lire : « In memoriam Maurice Tardif »