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Lire et écrire... pour le bonheur! Avec Dominique Demers

Le 17 octobre dernier, l’Université de Montréal recevait, dans le cadre du projet Le français, toute une culture!, l’influente et remarquable autrice jeunesse Dominique Demers.

Article de Shany Girouard, étudiante de 3e année au baccalauréat en enseignement du français au secondaire

Crédit photo: Cindy Boyce


Durant cet échange stimulant, l’écrivaine a partagé avec les étudiants et étudiantes ses secrets dans l’art de stimuler l’amour de la lecture. Grâce à son parcours professionnel varié, à ses expériences personnelles riches et aux rencontres faites au cours sa vie, Mme Demers a généreusement offert les outils qu’elle considère essentiels à la stimulation du goût de lire, autant chez les plus grands que chez les tout-petits.

Pourquoi lire ?

Quel·le enseignant·e n’a pas déjà entendu, de la bouche d’un·e élève, cette fameuse et fatidique question : « Pourquoi on apprend ça ? ». C’est une interrogation légitime, qui naît généralement d’une impression que ce qui est fait, ce qui est appris, n’est pas suffisamment concret. Alors, concrètement, pourquoi lire ? Pourquoi attraper un livre plutôt que la télécommande, et s’efforcer de décoder des symboles imprimés sur une page de papier, dans une ère où des histoires de pixels et de sons peuvent facilement nous être racontées ?

Pour l’autrice, il est parfaitement normal que bien des gens préfèrent se divertir autrement qu’avec la lecture. Tel qu’elle le signale, nous oublions parfois que la lecture demande un effort. C’est un véritable travail cognitif, une tâche complexe pour notre cerveau déjà fatigué par notre quotidien effréné. Ainsi, pour faire le choix d’ouvrir un livre, il faut en avoir particulièrement envie. En tant qu’enseignant·es, et même en tant que société, nous négligeons trop souvent ce volet.

Pourtant comme le nomme si bien Mme Demers, « pour créer un lecteur, il [faut] lui donner le goût de lire ».

L’amour de la lecture

Ce goût de lire est puissant. Apprendre à aimer la lecture, et augmenter la fréquence à laquelle nous nous plongeons dans un livre, entraîne une réaction en chaîne d’effets bénéfiques, surtout pour les élèves. Par exemple, leurs habitudes de lecture, étant améliorées, augmentent leur efficacité dans les autres matières. Leur capacité à fonctionner dans notre société dépendante de la littératie grandit. Aussi, leur lecture peut les rendre plus heureux, plus libres et plus puissants.

Enfin, leur imagination peut être grandement nourrie par les mots qu’ils lisent et, selon l’écrivaine, « c’est avec de l’imagination qu’on peut sauver le monde ».

Mais comment transmettre ce goût de la lecture à un·e jeune persuadé·e de ne pas le posséder ? D’abord, l’autrice rappelle que chaque futur·e enseignant·e se devra d’agir comme « pont vivant » entre la lecture et les jeunes. Les élèves ont besoin d’un·e intermédiaire pour les initier aux joies des mots, pour les rassurer sur la complexité que peut présenter la lecture et pour les guider à travers l’océan de textes mis à leur disposition. C’est en (re)découvrant ellui-même le plaisir de lire, en parlant souvent des livres aux élèves et en réalisant plusieurs lectures à haute voix que l’enseignant·e pourra, au rythme de sa classe, transmettre cet amour pour la lecture.

D’ailleurs, pour Mme Demers, il est important de garder en tête que les intérêts de lecture sont variés. Certains élèves préféreront les romans fantastiques aux romans policiers, d’autres les bandes dessinées aux nouvelles. Mais certaines personnes seront bien plus intéressées par un article de journal, une revue de vulgarisation scientifique ou une critique de film. Ainsi, en tant qu’enseignant·es, il est important de garder en tête l’importance de la diversité. La diversité de difficulté, de personnages, de genres, certes, mais aussi la diversité entre la fiction et la non-fiction. En effet, les motivations de lecture varient presque autant qu’il y a d’individus. Si nous imaginons souvent que les gens préfèrent lire pour s’évader, se divertir, car les textes informatifs sont plus étroitement liés aux tâches du quotidien, ce n’est pas le cas pour tout le monde. Et imaginez le découragement d’un·e élève qui, après avoir enchaîné les recommandations de lecture de son entourage, persiste à ne pas trouver chaussure à son pied ! Pour un·e jeune, la confusion entre le dégoût de la lecture et le simple fait de ne pas encore avoir trouvé ce qui lui plaît est fréquente.

L’autrice encourage aussi les futur·es enseignant·es à s’abstenir de juger, ouvertement ou implicitement, les lectures de leurs élèves. Plutôt, elle préconise la discussion et insiste sur l’importance du lien entre l’enseignant·e et les jeunes. Elle suggère de s’intéresser à ce que lisent les élèves, peu importe nos opinions quant à l’œuvre.

Finalement, son dernier conseil est de ne pas tenir pour acquis que tous les élèves sont au courant d’où iels peuvent se procurer des livres, empruntés ou achetés. Une vaste partie de la population ne fréquente pas les bibliothèques publiques, et certain·es jeunes ne savent même pas où elles se trouvent dans leur quartier.

Ainsi, il est encouragé par Mme Demers de prendre le temps de présenter la bibliothèque de l’école aux élèves, de faire des sorties à la bibliothèque municipale si possible, de leur présenter quelques adresses de bonnes librairies mais, surtout, de les accompagner dans le fonctionnement de toutes ces ressources.

Tel qu’elle l’explique, un·e adolescent·e abandonné·e dans la plus grandiose des bibliothèques en ressortirait bredouille, car iel ne possède pas les outils nécessaires pour s’y retrouver. Les jeunes ont besoin de leur enseignant·e, de leur « pont », pour voyager dans l’univers vaste et merveilleux de la lecture.

Le bonheur d’écrire

Enfin, Mme Demers conclut en rappelant que, tout comme pour la lecture, la joie de l’écriture s’apprend et se façonne. Il n’est pas ici question de nécessairement se plonger dans l’élaboration d’un manuscrit de cinq cents pages, énième tome d’une saga épique. Plutôt, elle encourage d’écrire pour soi. D’écrire uniquement pour le bonheur de le faire. L’écriture est à la fois un avion et une machine à voyager dans le temps. Elle nous propulse n’importe où, n’importe quand, avec pour seule limite notre imagination. Et ça, c’est libérateur.

C’est sur cette note qu’elle conclut sa présentation, en rappelant à son auditoire, subjugué par ses mots, de ne jamais oublier l’importance de rêver.


À propos de Le français, toute une culture!

Le projet Le français, toute une culture!, financé par Gisèle Barret, ancienne professeure à la Faculté des sciences de l'éducation, a pour but de susciter la discussion entre les étudiantes et étudiants de la faculté et une personne ayant placé la langue française au cœur de sa vie professionnelle.