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/ Faculté des sciences de l'éducation

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Alexandra Jean

Diplômée en Éducation préscolaire et enseignement primaire (2015)

Coup de cœur pour le Grand Nord

Propos recueillis par Béatrice Leduc-Ostrowski, Réseau des diplômés et des donateurs

Alexandra a toujours aimé les enfants, mais n'avait pas prévu se diriger en enseignement. Ayant d'abord complété une technique d'intervention en loisir, c'est en travaillant dans un camp de jour durant un été qu'elle a réalisé qu'elle voulait faire carrière auprès d'eux.

Elle complète alors son parcours de baccalauréat en éducation préscolaire et enseignement primaire à l'Université de Montréal.

Le goût de l'aventure

À la fin de son baccalauréat, Alexandra fait un échange azimut, en tant qu'assistante de langue. Elle passe 9 mois à Stockport en Angleterre, où elle enseigne le français à différentes classes. De retour au Québec, Alexandra consulte sa commission scolaire et en revient bredouille : « En 2016, il n'y avait pas de pénurie d'enseignants! »

Une amie, enseignante à la Commission scolaire crie, lui parle d'un poste ouvert à l'école où elle travaille à Chisasibi. Une classe de troisième année était vacante depuis le début de l'année scolaire. Alexandra avait un intérêt pour le Grand Nord et la culture autochtone. Ni d'une ni deux, elle se lance. «En moins d'une semaine, j'avais ma classe, mon contrat, ma permanence et j'ai déménagé!» 

Réapprendre à enseigner

L'enseignante est très bien accueillie, autant par ses collègues que par la communauté de Chisasibi. «C'est en classe que ça s'est corsé. Il s'agissait de mon premier contrat dans une classe. J'ai rapidement constaté que ce que j'avais appris à l'université ne s'appliquerait pas dans mon milieu et j'ai dû m'ajuster.»

Le roulement des enseignants est tellement important dans les communautés autochtones que les élèves prennent un certain temps à s'ouvrir. «Quand on arrive dans une classe, les élèves t'observent jusqu'à Noël. Si tu reviens après les fêtes, ils ont confiance et savent que tu vas rester. Ayant changé quatre fois de collègues en quatre ans, je peux les comprendre.» Les élèves sont réservés, parlent peu, et lorsqu'ils le font, le français n'est pas leur langue. « Le cri étant en train de disparaître, je ne peux pas empêcher mes élèves de parler la langue entre eux; c'est même encouragé. Cependant, je peux exiger le français au lieu de l'anglais dans ma classe.» Cette réalité linguistique a fait réaliser quelque chose de fondamental à Alexandra :« On n'enseigne pas le français régulier ici, mais bien le français langue seconde.» Alexandra a aussi grandement développé son écoute et son sens de l'observation depuis qu'elle enseigne en milieu autochtone. «Les élèves apprennent beaucoup par imitation. Ils observent longuement avant de se lancer et c'est quelque chose d'ancré dans leur culture. Quand j'ai compris cela, mon style d'enseignement a beaucoup changé.»

Le bonheur du Nord

Depuis son arrivée à Chisasibi, en 2016, Alexandra a eu un coup de cœur pour la culture autochtone. «On se crée rapidement un réseau de collègues et d'amis qui deviennent comme notre famille.» Outre les grands espaces et toutes les activités s'y rattachant, la culture autochtone est généreuse, ouverte et, surtout, tricotée serrée. «La personne qui arrive ici doit avoir envie de vivre en communauté restreinte, avant, durant et après l'école!»

Les communautés autochtones ont aussi des événements culturels spécifiques, comme le goose break. En effet, les élèves et leurs familles partent durant deux semaines au courant du mois de mai pour la période annuelle de chasse à l'outarde. «La première année, tu es surpris, car parfois la période de chasse dure un peu plus longtemps et des élèves tardent à revenir à l'école!» Bien qu'elle admette s'ennuyer de ses amis et de sa famille, Alexandra est très heureuse et souhaite revenir l'an prochain.«La commission scolaire nous soutient énormément. Nous avons l'occasion de suivre de nombreuses formations, de mettre sur pied des projets originaux pour nos classes. C'est très stimulant.»  Alexandra a commencé à encadrer des stagiaires. «Je suis très contente que plusieurs universités aient de l'intérêt. Elle conseille à ses stagiaires d'être à l'écoute, mais surtout, d'observer. «Observe ce qui se passe dans la classe, observe les interactions entre les élèves et observe leur culture.» 

Un conseil pour les étudiants en enseignement?

« Il ne faut pas avoir peur d'avoir d'autres projets que celui d'enseigner dans une classe dans une école de quartier pour toute notre vie. Nous ne sommes pas confinés à un tracé linéaire; la fibre aventureuse peut tout à fait cohabiter avec l'enseignement.»

Alexandra est également férue de formation continue. «L'enseignement est une science qui évolue. On doit continuer à s'informer sur les meilleures pratiques», nous dit celle qui parfait sa formation en enseignement du français comme langue seconde pour mieux répondre aux besoins de ses élèves.

Une anecdote qui fait sourire

Durant ma première année, j'ai parlé du Carnaval de Québec, vidéo à l'appui. J'ai demandé à ma classe si certains d'entre eux avaient déjà mangé une queue de castor, en faisant référence à la pâte sucrée et frite. J'ai eu droit à de drôles de regards. «Madame, la queue de castor, ça ne se mange pas!» J'ai bien vite réalisé qu'ils pensaient que je faisais référence au castor, l'animal, qu'eux chassent en famille et dont ils ne mangent pas la queue!»