Soutenance de thèse de Nicolas Gulino
Résumé
À l'instar de nombreuses régions industrialisées, le système de santé québécois subit d'importantes pressions en raison du vieillissement de la population et de la pénurie de personnel, particulièrement dans les soins de longue durée. La notion de soins, ou « care », qui englobe bien plus que la simple prestation de services médicaux, est centrale dans ces établissements. Elle représente une attitude, un engagement et un travail complexe qui confrontent les professionnels à de nombreuses incertitudes quotidiennes. Comprendre les soins dans leur dynamique et mobiliser les expériences des professionnels sont essentiels pour renforcer cette pratique face aux défis actuels et futurs. Notre étude part de ce besoin de mieux comprendre la pratique interprofessionnelle en s’appuyant sur les savoirs expérientiels des professionnels eux-mêmes en milieu de travail.
Pour ce faire, nous avons d’abord adopté une perspective ethnographique en filmant une réunion interdisciplinaire dans un établissement de soins de longue durée (CHSLD). Ensuite, nous avons montré des séquences de ces rencontres aux participants dans le cadre d’une série d’entretiens individuels et collectifs impliquant trois professionnels de la santé. En se regardant à plusieurs reprises, les participants ont pu analyser leur propre travail tout en dialoguant avec leurs collègues. Nous avons mobilisé la Théorie de l'Activité Historico-Culturelle (CHAT) pour analyser leurs interactions et leurs propos, ce qui a permis de dresser un portrait dynamique du travail interprofessionnel en révélant les nombreux facteurs qui agissent sur celui-ci et le médiatisent.
L'analyse de cette activité complexe a mis en évidence des contradictions qui ont conduit à des négociations ainsi qu'à des potentiels d'action et d'apprentissage insoupçonnés cohérents avec les principes de la théorie de l'apprentissage expansif (Expansive Learning).
Notre recherche offre une vision holistique des facteurs influençant les pratiques de soins, dans un contexte culturel et historique où l’activité est en constante construction et soutenue par un collectif. De plus, l’apprentissage des équipes interprofessionnelles à partir des contradictions identifiées dans leur activité ouvre des perspectives significatives pour la recherche et le développement d’outils de formation professionnelle continue. Notamment, l’intégration des approches vidéographiques et dialogiques permettrait un regard renouvelé sur la pratique professionnelle, favorisant la réflexion critique et surtout la co-analyse pour tirer davantage parti des savoirs pratiques.
En conclusion, nous soutenons que l'accroissement de l'autonomie et de l’agentivité des membres d’une équipe interprofessionnelle, résultant de leur analyse de leur propre activité, représente une voie peu explorée mais essentielle pour améliorer durablement la qualité des soins initiée par les équipes de terrain.
Emplacement : Université de Montréal : pavillon Marie-Victorin, local D-427