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Une vision appauvrie de l'éducation

Le ministre Roberge vient d’annoncer l’abolition du cours d’éthique et culture religieuse. Sans avoir consulté les personnes qui connaissent vraiment ce programme, comme les universitaires spécialistes du domaine ou encore l’association professionnelle des enseignants d’éthique et culture religieuse, et non sans un profond mépris pour leur expertise, la décision a été prise de supprimer la culture religieuse et la plus grande partie de la réflexion éthique.

 

Une vision appauvrie de l'éducation

Mireille Estivalèzes
Professeure
Département de didactique

 

On nous annonce un nouveau cours, grand fourre-tout mêlant toutes sortes de notions, accompagné d'une consultation citoyenne relevant d'une démarche démagogique. Le gouvernement semble être davantage guidé par des considérations électoralistes que par un réel souci éducatif de donner des outils de compréhension d'un monde de plus en plus complexe, pour lequel, que l'on soit croyant ou non, la connaissance des éléments fondamentaux des religions est indispensable, pensons au poids du vote évangélique dans la campagne présidentielle américaine, aux graves tensions entre sunnites et chiites, ou aux discours écologiques du pape François. Ici même, au Québec et au Canada, terres d'immigration, les nouveaux arrivants sont souvent porteurs d'une diversité de traditions spirituelles, et les connaître un tant soit peu permet de mieux les comprendre, il ne s'agit ni de réduire les migrants à leur identité religieuse, ni d'éradiquer celle-ci, mais la connaissance des différentes convictions, religieuses et philosophiques, des uns et des autres, ne peut que contribuer à une société de respect mutuel. Le Québec a une histoire et un riche patrimoine religieux dont subsistent nombre de traces à travers notamment sa toponymie, ses arts, des valeurs, des coutumes, or, n'est-il pas pertinent de sensibiliser les nouveaux arrivants autant que les jeunes Québécois à cet héritage commun ? Il semble, malheureusement, qu'il ne soit plus nécessaire de se souvenir de leurs significations au profit d'une sorte de présentisme souverain.

Pourtant, l'École est par essence le lieu de l'élargissement des horizons, et la culture religieuse favorise le décentrement de soi et la découverte de l'altérité. C'est d'ailleurs bien ce qui a posé problème à des parents croyants, refusant que leurs enfants soient exposés à d'autres religions que la leur, mais aussi à certains groupes laïques militants, qui mènent un combat personnel pour éradiquer la religion de la culture scolaire en la considérant comme un reliquat patriarcal obsolète. Plus largement, la culture religieuse ouvre sur un au-delà de soi. Elle permet de comprendre que, depuis toujours, l'être humain se pose des questions fondamentales sur le sens de son existence, sur son destin, et qu'au fil de l'histoire de l'humanité, diverses traditions religieuses et différents courants de pensée philosophiques, ont apporté des pistes de réflexions et de réponses sur la manière de comprendre et de vivre la difficile condition humaine. À travers les très nombreuses œuvres littéraires et artistiques empreintes de références religieuses, la culture religieuse nous ouvre au langage symbolique, ainsi qu'à la recherche du sens. Loin de nous élever et de nous donner à réfléchir sur le monde, la réforme proposée par le ministre Roberge témoigne d'une vision courte et réductrice de l'éducation.